Traduction libre: "Ne serais-je pas idiote de la faire moi-même?" |
Qu’on décide ou non de préparer ses repas soi-même est un choix bien personnel. Toutefois, il y a des subtilités dans la perception de l'action de choisir qui méritent d’être mises en lumières. Ce billet vous fera très certainement réfléchir.
On cuisine moins
À l’heure actuelle, nous, Canadiens, cuisinons de moins en moins (1). En contrepartie, nous mangeons de plus en plus à l’extérieur de la maison (2) et lorsqu’on s’y trouve, les statistiques dévoilent qu’un souper sur deux inclus des mets préparés (3). On est loin du traditionnel steak d’orignal avec des petites patates jaunes dans le jus!On mange moins bien
Il aura fallu des décennies pour commencer à obtenir des données scientifiques et statuer sur le fait que "ne plus cuisiner maison" est un comportement problématique, tout particulièrement chez ceux qui ne peuvent se payer les versions les plus nutritives des mets préparés (3). La nutritionniste Julie Aubé en a d’ailleurs fait le sujet de son mémoire de maîtrise. Je la cite :De nombreuses études démontrent que la consommation d’aliments préparés à la maison tend à être plus santé qu’une alimentation où l’on retrouve fréquemment des aliments préparés par l’industrie et les restaurants. En somme, les consommateurs de restauration rapide ingèrent plus d’énergie, de lipides, de mauvais gras, de sucres ajoutés et de boissons sucrées que les gens qui consomment des aliments cuisinés maison. D’autre part, ceux-ci consomment davantage de fruits et légumes, de fibres, de calcium et plusieurs autres vitamines et minéraux (4).Le concept est assez intéressant et plutôt simple. Peu importe les aliments et les méthodes de cuisson choisis, quand on cuisine maison, on mange nécessairement mieux. D’ailleurs, chaque repas pris à l’extérieur de la maison a pu être associé à une ingestion calorique supérieure d’environ 130 calories et à une réduction de la qualité de l’alimentation de 2 points sur l'échelle "Healthy Eating Index Scale" (2), ce n'est pas rien.
On ne sait pas trop pourquoi
Mais choisissons-nous vraiment de notre plein gré de ne pas cuisiner? Je suis perplexe. Quand je lis qu’en 2008 un sondage réalisé pour des industries alimentaires par la société d’études marketing NPD Group indiquait que 88% des Canadiens avaient l’intention de réduire leurs visites aux restaurants et de cuisiner plus maison (5), je me dis qu’il y a des gens, à quelque part, qui aimeraient manger plus souvent de la nourriture maison mais qui n’y arrivent pas.Pourquoi donc?
Dans son livre "Something from the oven", Laura Shapiro examine l’évolution de la cuisine au fil du siècle dernier et en arrive à la conclusion que le « prêt-à-manger » a été développé non pas, comme on pourrait le croire, lorsque les femmes de la classe moyenne se sont tournées vers le marché du travail, mais bien avant. Selon elle, l’industrie alimentaire a contribué à créer la perception que le temps pour cuisiner manquait ou qu’il s’agissait de temps perdu et que les aliments transformés étaient désormais nécessaires.
Comme l’a fait l’industrie du tabac, l’industrie alimentaire y serait arrivée à l’aide de campagnes de publicités publiées dans des magazines féminins dès le début du 20e siècle. Avouons qu'elles étaient très esthétiques ces publicités.
Progressivement, toujours selon Mme Shapiro, les gens se sont habitués au goût des produits du commerce et ont perdu la mémoire de la saveur des mets d'antan. Ils ont aussi perdu leur savoir culinaire.
Doit-on pour autant militer contre l’industrie alimentaire? Je me garde une certaine réserve. Pour reprendre des propos de Mme Shapiro que je trouve merveilleusement justes :
L’industrie alimentaire, c’est une entreprise, pas un parent. Nous avons laissé l’industrie alimentaire prendre de nombreuses décisions à propos de ce que nous mangions, au nom de l’aspect pratique, de l’habitude ou du goût. Aujourd’hui, nous sommes forcés de considérer les taux d’obésité et de diabète comme des témoignages de cette erreur que nous avons fait en laissant à des organisations à but lucratif la responsabilité de bien nous nourrir. (Traduction libre)
Maintenant, on en est conscient
Alors aujourd’hui, on ne sait plus trop cuisiner ni trop comment entrer les courses, la préparation des aliments et leur conservation à l'horaire.Manque de temps, manque d'énergie, manque d'idées, manque de planification, manque d’habiletés culinaires...Plusieurs facteurs peuvent être mis en cause.
Mais, chose intéressante, des évidences scientifiques suggèrent que les femmes qui travaillent ne sont pas plus sujettes à consommer des aliments transformés que leurs consœurs qui passent plus de temps à la maison. Le choix d’utiliser des produits transformés dépendrait plutôt de facteurs personnels, sociaux et économiques, tels que le coût des aliments, les connaissances, les habiletés et le niveau de scolarité (3).
Sachant désormais qu’il y a un problème, il ne reste plus qu’à trouver et mettre en pratique de bonnes solutions.
À suivre...
Références
1. Centre de référence sur la nutrition de l'Université de Montréal. Cuisinez en famille pour le plaisir et la santé. Consulté en ligne le 9 septembre 2015: http://www.extenso.org/article/cuisinez-en-famille-pour-le-plaisir-et-la-sante/
2. Reicks et coll. Impact of Cooking and Home Food Preparation Interventions Among Adulds: Outcome and Implications for futurs Programs. Journal of Nutrition Education Behavior, vol.46, num.4, 2014.
3. Engler-Stringer R. et coll. Food, Cooking Skills and Healh: A litterature review. Revue canadienne de la pratique et de la recherche en diététique,vol.71, num.3, automne 2010.
4. Aubé, J.Attitudes et habiletés de Canadiens relativement à la préparation des aliments à la maison et au repas en famille. Papyrus, dépos institutionnel numérique, Université de Montréal, 2009. Consulté en ligne le 9 septembre 2015: https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/handle/1866/3049
5. Eating Patterns in Canada, NPD group, 2008.
© Nadine Bonneville 2015
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